En bref : Les programmes de soutien par des pairs et la santé mentale chez les jeunes

Messages clés

Nous avons effectué une évaluation des technologies de la santé visant à guider la prise de décisions concernant l’adoption, la mise en œuvre et l’évaluation des programmes de soutien par les pairs en santé mentale chez les jeunes. Voici les principales constatations :

Les jeunes reconnaissent l’importance du soutien par les pairs dans leur rétablissement et dans leur bienêtre; à leurs yeux, le soutien par les pairs est une ressource de santé mentale accessible, pratique et sécuritaire. Ils soulignent également l’importance de la représentation ainsi que de la participation de jeunes de divers horizons ayant des expériences variées à la conception et à l’évaluation des programmes, afin de veiller à l’équité, à la diversité et à l’inclusion.

Les programmes officiels de soutien par les pairs (soutien offert par des pairs aidants formés travaillant pour une organisation communautaire ou une clinique) peuvent aider les jeunes à se sentir à l’aise de fournir des renseignements sur leur santé mentale et de demander de l’aide. D’après les deux études que nous avons repérées, le soutien par les pairs pourrait améliorer l’attitude des jeunes à l’égard de la divulgation d’un problème de santé mentale, atténuer la détresse associée à cette divulgation et encourager les jeunes à demander de l’aide, comparativement à l’absence de soutien par les pairs. Cependant, comme seules des données probantes limitées de faible qualité sont accessibles, il existe une forte incertitude à savoir si les programmes de soutien par les pairs ont une efficacité semblable ou supérieure à celle des programmes ne comprenant pas d’élément de soutien par les pairs pour accompagner une personne dans son rétablissement.

L’innocuité des programmes de soutien par les pairs dans la prise en charge de problèmes de santé mentale chez les jeunes est à l’heure actuelle inconnue (aucune donnée probante issue de la recherche repérée).

Les directives sur l’évaluation des programmes de soutien par les pairs sont actuellement lacunaires, et les pratiques d’évaluation varient d’un programme à l’autre au Canada. Cependant, la plupart des programmes ont certaines pratiques en commun, notamment les suivantes : l’évaluation porte sur des résultats centrés sur le rétablissement, on sollicite la participation des jeunes tout au long du processus (afin de veiller à sa pertinence), et l’évaluation est adaptée afin de refléter le contexte local.

Dans la mise en oeuvre de programmes de soutien par les pairs en santé mentale chez les jeunes, les décideurs devraient prévoir des ressources pour l’évaluation continue des programmes. La réalisation d’évaluations rigoureuses peut aider à mieux comprendre les bienfaits des programmes et à maximiser leur efficacité. De plus, les données probantes fondées sur la pratique issues des évaluations pourront servir à guider la conception et la mise en oeuvre de programmes appropriés, équitables et adaptés à la culture.

Contexte

La santé mentale des jeunes au Canada est une importante source de préoccupation en santé publique qui s’est accentuée pendant la pandémie de COVID-19. On estime maintenant à au moins 60 % la proportion des jeunes connaissant des difficultés de santé mentale. Par conséquent, de plus en plus de jeunes ont besoin de soutien en santé mentale. Cependant, il existe des obstacles d’ordre social (p. ex. crainte de la stigmatisation) et systémique (p. ex. disponibilité limitée de services publics en santé mentale et longues listes d’attente) à l’accès aux soins. Les décideurs des systèmes de santé de partout au pays se penchent sur des options pour améliorer la disponibilité aux services de soutien en santé mentale pour les jeunes et assurer un accès rapide à ces services. Le soutien par les pairs est vu comme une option prometteuse.

Technologie

Le soutien par les pairs consiste à mettre un jeune en contact avec un pair aidant ayant un vécu pertinent en matière de santé mentale afin de favoriser le rétablissement. Le pair aidant est habituellement un jeune qui en est à une étape positive du rétablissement et qui possède les aptitudes et la formation pour offrir un soutien par les pairs. Il peut guider le jeune, le mettre en relation avec des services de santé mentale et l’aider à faire face à ses difficultés de santé mentale. Le jeune apprend grâce à l’information, au comportement ou aux encouragements du pair aidant.

La participation aux programmes de soutien par les pairs se fait habituellement sur une base volontaire et ne nécessite ni une ordonnance ni un diagnostic officiel. En outre, le soutien par les pairs peut être offert à part ou en complément à d’autres services de santé mentale.

Enjeu

Au Canada, les programmes de soutien par les pairs sont actuellement offerts par l’entremise d’organisations communautaires non gouvernementales et d’établissements de santé; cependant, l’efficacité de ces programmes n’est pas bien établie. Les décideurs veulent connaitre l’efficacité et l’innocuité des programmes de soutien par les pairs pour la santé mentale chez les jeunes afin de guider leurs décisions sur l’adoption et la mise en oeuvre de ces programmes. Ils souhaitent également comprendre comment évaluer les programmes de soutien par les pairs. Cette ETS présente des données probantes qui pourront appuyer les décisions sur l’adoption, la mise en oeuvre et l’évaluation des programmes officiels de soutien par les pairs pour la santé mentale chez les jeunes.

Méthodologie

Dans le cadre de cette ETS, nous avons sollicité l’apport de jeunes (usagers et pairs aidants), qui ont transmis leur point de vue à l’équipe de recherche à diverses étapes du projet. Nous avons également réalisé une revue systématique des données probantes disponibles sur l’efficacité et l’innocuité des interventions de soutien par les pairs et des interventions sans soutien par les pairs chez les jeunes de 12 à 25 ans ayant des problèmes de santé mentale (la consommation de substance étant exclue), de même qu’une analyse de l’environnement des évaluations de programmes de soutien par les pairs. Aux fins de cet examen, nous n’avons tenu compte que du soutien par les pairs offert de façon officielle par des aidants formés ayant un vécu pertinent.

Quatre jeunes ayant fait l’expérience du soutien par les pairs ont aidé l’équipe de recherche à comprendre le contexte entourant les données probantes scientifiques et les expériences des personnes recevant et offrant le soutien par les pairs. Nous avons repéré des publications pertinentes à l’aide d’une revue systématique de plusieurs bases de données électroniques et d’une recherche de la littérature grise. L’analyse de l’environnement comprend une analyse documentaire limitée portant sur la documentation publiée et la littérature grise ainsi que des consultations auprès de parties prenantes d’organisations offrant des services de soutien par les pairs en santé mentale aux jeunes au Canada.

Constatations

Participation de jeunes : Les jeunes consultés indiquent que le soutien par les pairs interpelle les jeunes surtout parce qu’il offre un premier point de contact et un service de soutien en santé mentale qui soit accessible, pratique et sécuritaire et qui demande un faible engagement. Les jeunes sont d’accord pour dire que les critères d’évaluation concernant le rétablissement (p. ex. intégration communautaire, sentiment global d’accomplissement, régulation émotionnelle, autonomisation, éducation, emploi, liens sociaux) sont au coeur de leur expérience du soutien par les pairs. Comme le rétablissement est un cheminement, les jeunes avancent que les bienfaits du soutien par les pairs pourraient être mesurés au fil du temps, plutôt qu’à un moment donné. Ils soulignent également l’importance de la représentation et de la participation de jeunes de divers horizons ayant des expériences variées à la conception et à l’évaluation des programmes. Les jeunes abordent également des défis liés à la sécurité, notamment l’importance de fixer des limites professionnelles entre les usagers et les pairs aidants.

Clinical effectiveness and safety: We identified 3 publications that reported results from 2 randomized controlled trials on outcomes related to personal recovery and clinical symptoms in youth. The limited available evidence suggests that peer support may be favourable over no peer support for some outcomes (e.g., attitudes to disclosure, disclosure-related distress, secrecy, help-seeking behaviour, health-related quality of life), whereas there may be little to no difference in the effect of peer support for other outcomes (e.g., depression, anxiety, hopelessness, social withdrawal, empowerment). However, the evidence is limited and very uncertain for all outcomes. Our review did not find any studies with information related to the safety of peer support programs for youth peer support users.

Efficacité clinique et innocuité : Nous avons répertorié trois publications décrivant les résultats de deux essais cliniques randomisés à propos de critères d’évaluation concernant le rétablissement personnel et les symptômes cliniques chez les jeunes. Les données probantes limitées disponibles laissent croire que le soutien par les pairs serait préférable à l’absence de soutien par les pairs à certains égards (p. ex. attitude à l’égard de la divulgation, détresse connexe, secret, recherche d’aide, qualité de vie liée à la santé), alors qu’il y a peu ou pas de différences quant à d’autres critères d’évaluation (p. ex. dépression, anxiété, désespoir, retrait social, autonomisation). Cependant, les données probantes sont limitées et très incertaines pour tous les critères d’évaluation. Notre revue n’a pas permis de repérer d’études se penchant sur l’innocuité des programmes de soutien par les pairs pour les jeunes usagers.

Analyse de l’environnement sur l’évaluation des programmes de soutien par les pairs : Nous avons recensé six rapports (deux rapports publiés issus de l’analyse documentaire et quatre rapports transmis par des parties prenantes) fournissant des renseignements sur l’évaluation de programmes de soutien par les pairs du Canada et d’ailleurs. Nous avons également réalisé sept consultations ciblées avec des intervenants canadiens. À la lumière de la documentation analysée et des consultations des intervenants, les pratiques d’évaluation varient d’un programme à l’autre au Canada. Cette variabilité s’explique principalement par l’absence de directives officielles et par le fait que les pratiques d’évaluation sont souvent adaptées aux besoins de programmes particuliers et des jeunes qui y ont recours.

Parmi les approches d’évaluation répandues, mentionnons la mesure de l’incidence sur la pratique en contexte réel, l’accent mis sur les critères d’évaluation du rétablissement, et la participation de jeunes à la conception et à la réalisation des évaluations (afin de veiller à leur pertinence). Tous les programmes de soutien par les pairs mentionnent comme source de préoccupation des facteurs relatifs au financement et aux ressources nécessaires à la tenue d’évaluations régulières et rigoureuses.

Équité et évaluation de programmes de soutien par les pairs : Comme le mentionnent les intervenants, l’évaluation de programmes de soutien par les pairs peut refléter les objectifs du programme en matière d’accès inclusif et équitable. Dans cette optique, on peut prévoir la participation de jeunes à la conception de l’évaluation, avoir recours à plusieurs méthodes de collecte des données afin de réduire les obstacles à la rétroaction, réaliser des évaluations anonymes et recueillir les données de façon confidentielle afin d’assurer la sécurité des participants, éviter l’utilisation d’une terminologie clinique afin de réduire la stigmatisation, chercher à repérer les éventuelles inégalités dans le processus d’accueil des participants afin d’éliminer les obstacles à la participation, et veiller à ce que les évaluations soient effectuées de façon respectueuse sur le plan de la culture.