En Bref - Diagnostic optimal des cas présumés d’embolie pulmonaire aigüe

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Messages clés

  • La première étape pour diagnostiquer l’embolie pulmonaire aigüe (EP) est d’utiliser une règle de prédiction clinique (RPC) qui aide à évaluer la probabilité d’une EP. Le score de Wells à deux paliers est recommandé.
  • Selon les résultats, des tests complémentaires et une imagerie diagnostique pourraient être appropriés.
  • L’approche diagnostique pour l’EP dans la population générale diffère de celle utilisée pour les patientes enceintes et pour les gens qui ne sont pas aptes à subir certains tests.

Contexte

L’EP survient lorsqu’un caillot, habituellement provenant de la jambe, se loge dans l’une des artères des poumons. Cela peut bloquer la circulation sanguine et conduire à des problèmes cardiovasculaires graves (augmentation de la pression artérielle, défaillance cardiaque, faible taux d’oxygène dans le sang). L’EP est une cause importante d’hospitalisation urgente et elle peut être fatale, jusque dans 30 % des cas, si elle n’est pas traitée. Les individus souffrant d’EP aigüe peuvent présenter une variété de symptômes comme une douleur thoracique, un essoufflement, un sentiment de faiblesse, ou ne présenter aucun symptôme. Puisque les symptômes peuvent être causés par une grande variété de troubles de santé, l’EP peut être difficile à diagnostiquer. Les facteurs de risque pour l’EP sont la grossesse, de longues périodes d’immobilité, une intervention chirurgicale récente, l’utilisation de la pilule anticonceptionnelle et d’autres hormonothérapies substitutives, ainsi que certaines maladies (mutation du facteur V de Leiden ou autres thrombophilies). Cependant, certaines personnes qui souffrent d’EP pourraient ne présenter aucun facteur de risque. L’EP est traitée par anticoagulothérapie (médicament qui empêche la formation de caillots), traitement qui, si donné peu de temps après le début de l’EP, peut réduire les complications et éviter la mort causée par une EP récurrente.

Technologie

L’approche diagnostique pour l’EP aigüe demande habituellement plusieurs étapes. Il peut y avoir une évaluation initiale pour déterminer la possibilité d’EP chez un individu. Lorsque cela est pertinent, un individu chez qui on suspecte une EP pourrait passer une série de tests complémentaires, dont l’imagerie diagnostique.

Stratification des risques

Les tests servant à déterminer la probabilité d’EP chez un patient sont souvent appelés règles de prédiction clinique (RPC); ils fournissent une série de critères cliniques qui peuvent aider à évaluer la nécessité d’autres tests. Parmi les RPC, on trouve le score de Wells, le score de Genève et le score de Genève modifié. Les patients testés qui présentent une forte probabilité d’EP peuvent être amenés directement à l’imagerie diagnostique, alors que les patients qui présentent une probabilité plus faible peuvent subir d’autres tests. Ces tests complémentaires comprennent les « critères d’élimination de l’embolie pulmonaire » (règle PERC), et le D-dimère (test de laboratoire qui évalue les indices de la présence d’un caillot de sang chez un patient). Les résultats de ces tests peuvent indiquer si un patient a besoin d’un diagnostic de confirmation ou s’il est peu probable qu’il ait une EP, donc qu’il n’a pas besoin d’autres tests. Par exemple, un test D-dimère négatif chez un patient à faible risque (déterminé par RPC) peut éliminer la possibilité d’EP; alors qu’un test D-dimère positif peut signifier qu’un patient subira une imagerie diagnostique. Cependant, si un patient présente un risque élevé d’EP, selon l’évaluation RPC, il peut se rendre directement en imagerie diagnostique, sans passer d’autres tests comme la règle PERC ou le D-dimère.

Imagerie diagnostique

Lorsque les patients ont été évalués comme présentant un risque élevé d’EP, s’ils vont très mal ou s’ils ont reçu des résultats non concluants de D-dimère ou de PERC, ils peuvent avoir besoin de subir une imagerie diagnostique pour confirmer une possible EP. Parmi les possibilités d’imagerie médicale, notons l’angiographie pulmonaire par tomodensitométrie (AP-TDM) et la tomographie d’émission monophotonique de ventilation/perfusion (TEMP-VP). L’AP-TDM utilise des rayons X et une analyse par ordinateur pour visualiser les artères des poumons. La TEMP-VP utilise des traceurs radioactifs et des caméras spéciales pour détecter un caillot dans les poumons en cherchant un décalage entre le flux d’air et le flux sanguin. Il est souhaitable de réduire l’exposition à la radiation chez tous les patients, mais surtout chez les patientes enceintes, les jeunes gens et les individus qui subissent des imageries médicales répétées (patients atteints de cancer), ainsi que chez certains patients qui pourraient être allergiques aux agents de contraste utilisés en TDM.

Sujet

Le diagnostic de l’EP peut être difficile à poser et la meilleure stratégie pour le produire demeure un sujet de controverse. L’approche diagnostique peut aussi différer selon les ressources disponibles et surtout selon le contexte (milieu rural, éloigné ou urbain). L’utilisation de l’imagerie médicale sans l’utilisation des RPC ou d’autres tests peut donner lieu à un faible rendement diagnostique; ce qui signifie que parmi les patients qui sont évalués pour une possible EP, plusieurs ne sont pas atteints par ce trouble (c.-à-d. résultat faux positif). Cela peut conduire à des tests et à des traitements non nécessaires pour les patients, en plus d’être couteux, et il existe un danger à traiter un patient qui ne présente pas réellement d’EP. L’anticoagulothérapie peut causer des saignements, des interactions avec d’autres médicaments et peut devenir un fardeau pour des patients qui ont à subir des prélèvements sanguins répétés et qui pourraient devoir payer de leur poche les médicaments. Il existe aussi un risque potentiel associé aux résultats faux négatifs (lorsqu’une personne souffrant d’EP n’est pas diagnostiquée correctement), lorsque l’on teste pour une possible EP, puisqu’une EP récurrente peut être fatale. L’objectif devrait être de diagnostiquer les possibles EP en temps opportun, en utilisant les tests appropriés.

Méthode

L’ACMTS a réalisé une évaluation des technologies de la santé portant sur l’exactitude du test diagnostique, son utilité clinique, son innocuité, son rapport cout-efficacité, l’expérience et le point de vue des patients, les enjeux de mise en œuvre qui lui sont associés, les enjeux éthiques et l’incidence environnementale des approches diagnostiques auprès des adultes susceptibles de souffrir d’EP. Le Comité d’experts en examen sur les technologies de la santé de l’ACMTS a formulé des recommandations sur la stratégie de diagnostic optimal de l’EP en se fondant sur les données probantes présentées dans le rapport d’ETS.

Résultats

Examen clinique

Un examen des règles de la stratification des risques a révélé que le score de Wells avait une meilleure capacité à identifier correctement les patients qui ne souffraient pas d’EP comparativement au score de Genève et au score de Genève modifié. En ce qui concerne l’identification adéquate des patients souffrant d’EP, aucun score n’a démontré un avantage constant par rapport aux autres tests. Un examen des données probantes en imagerie diagnostique a révélé que l’AP-TDM était le meilleur test pour détecter correctement la présence d’EP chez les patients; cependant, d’autres options stratégiques peuvent être considérées lorsqu’il y a des craintes concernant l’exposition à la radiation (par exemple en cas de grossesse).

Examen économique

Une approche utilisant les RPC suivies de l’AP-TDM (lorsque nécessaire) s’est révélée être rentable. Plus précisément, la stratégie du score de Wells à deux paliers, suivi par le D-dimère (pour ceux qui présentent un faible risque ou un risque modéré au score de Wells), ensuite suivi d’une AP-TDM (si nécessaire), se montrait rentable si le seuil de la volonté de payer se situait entre 13 556 $ et 57 097 $ par année de vie ajustée par la qualité (AVAQ - mesure du rapport cout efficacité des procédures et interventions médicales). Chez les patients qui ne peuvent subir un examen de TDM ou qui souhaitent l’éviter, l’ajout d’une TEM-VP et d’une radiographie dans le parcours diagnostique s’est révélé rentable.

Points de vue et expérience du patient

Les résultats provenant de la rétroaction des patients se concentraient principalement sur l’imagerie médicale. Alors qu’il peut être inconfortable de subir ces tests, la capacité des tests à éclairer les problèmes de santé potentiels et ceux déjà connus aidait certains patients. Cependant, certains autres patients ont décrit leur expérience de tests en utilisant les termes de sentiment d’isolement et de manque de préparation, ainsi qu’un manque de contrôle de soi. Des rappels indiquant aux patients qu’ils ne sont pas seuls (par la présence d’êtres aimés dans la salle, si possible) pourraient aider à gérer ces sentiments.

Enjeux de mise en œuvre

Les connaissances et les choix du prestataire de soins (par exemple l’utilisation de tests qui lui sont plus familiers) pourraient influencer l’évaluation initiale et la recherche d’une possible EP. De plus, les facteurs associés aux patients — comme l’âge, le sexe, et la présence d’autres maladies — peuvent influencer le diagnostic d’une EP présumée. Les politiques et protocoles (utilisation consignée de RPC avant de faire des tests complémentaires) peuvent être utilisés pour soutenir les stratégies diagnostiques de l’EP. Il est important de noter que les ressources, notamment le personnel, ainsi que l’accès aux tests et à l’imagerie médicale, sont réparties différemment d’une région à l’autre du pays.

Enjeux éthiques

Les cliniciens, les organismes de soins de santé et les décideurs en matière de politiques doivent envisager les perceptions et les préférences de ceux qui sont impliqués dans le diagnostic de l’EP et la variété dans les besoins individuels des patients. En s’appuyant sur les données probantes cliniques et économiques, l’utilisation de l’AP-TDM semble être l’outil d’imagerie diagnostique le plus favorable à une approche éthique du diagnostic de l’EP, sauf lorsque les patients ne peuvent subir une AP-TDM.

Enjeux environnementaux

Aucune étude pertinente ni aucun rapport pertinent évaluant l’incidence environnementale des modalités d’imagerie pour l’EP n’a été relevé (selon une recherche documentaire limitée).